Intervention de Pierre Hurmic
Monsieur le Président, chers collègues,
Bien évidemment, nous, écologistes, ne pouvons que souscrire à tous travaux prospectifs, comme ceux ici proposés.
Nous sommes persuadés que penser le long terme est primordial dans l’action publique et nos prises de positions concernant de nombreux sujets en attestent.
Sur les axes et pistes de réflexion identifiés, il nous a été expliqué en commission qu’ils ne demandaient qu’à être complétées.
Nous sommes prêts à emprunter ces pistes sous certaines conditions
D’abord, cessons de regarder le futur comme un passé projeté vers l’avenir, mais inventons un nouveau paradigme.
Nous ne dessinerons pas Bordeaux 2050 avec le crayon ou le logiciel qui a écrit Bordeaux 2018.Ce logiciel, il a saccagé les écosystèmes, exterminé les espèces animales, détraqué le climat, pour soutenir souvent des choix absurdes.
Nous savons que le progrès de demain ne ressemblera pas à celui d’hier, qui avait quelque chose de pervers : il épuisait les ressources et sacrifiait les générations futures.
Dans la ville de demain, le progrès devra être soutenable et intègre.
La précarité des uns, y compris énergétique, est une menace pour la prospérité de tous.
Il faut inventer les richesses de demain : une prospérité partagée, moins dépensière et plus soutenable, un monde plus sobre.
Faisons de cette sobriété, une sobriété choisie, une sobriété heureuse, le leitmotiv de nos travaux.
Ce que la COP21 a posé comme horizon global, nous devons le poser, le décliner ici, à Bordeaux, comme objectif local indépassable.
Pour agir ensemble pour des villes décarbonées, innovantes, solidaires et écologiques.
Nous sommes prêts à travailler pour écrire ce nouvel agenda de notre Métropole.
Cette exercice suppose que nous soyons tous d’accord pour réinventer la ville face aux impératifs de la transition écologique .
Quand je lis, dans la délibération : « De grands défis sont lancés à notre planète : le dérèglement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, le recul de la biodiversité , l’urbanisation croissante, … », je me dis, c’est bien vu , les défis sont clairement posés.
Nous venons d’acter, en début de séance, l’ambition de faire de notre Métropole une des premières Métropoles à énergie positive à l’horizon 2050. Ça tombe bien !
Mais, pour y arriver, il nous faut galoper. D’autres Métropoles bondissent vers ce challenge.
Fixons-nous des objectifs concrets, comme ceux-là, mais nous ne serons crédibles que si nous commençons dès aujourd’hui à sérieusement nous y atteler pour préparer 2050 .
J’ai envie de dire, de toute façon, nous n’avons pas le choix.
Notre futur climatique, faute de changement rapide de boussole et de paradigme, s’annonce sous de sombres auspices.
A cet égard, nous ne pourrons faire l’impasse sur le rapport remis à la région Aquitaine par l’équipe scientifique réunie par Hervé Le Treut intitulé : « Prévoir pour agir ». Tout est dit.
Le rapport Le Treut a pour vocation d’anticiper l’impact du changement climatique sur le territoire aquitain et de donner des clefs aux décideurs économiques et politiques pour réagir à temps.
Pourquoi ? Parce que les changements évoqués à l’horizon des années 2030 à 2050 impactent directement – et très concrètement – notre vie quotidienne, sur le plan de l’environnement mais aussi de l’économie, des conditions de vie, de l’emploi ou de la santé.
« En 2050, Bordeaux atteindra le climat actuel de Séville. », nous dit Hervé Le Treut
Le rapport met en évidence la vulnérabilité de l’Aquitaine considérée comme l’une des régions de France où le réchauffement climatique sera le plus important, une augmentation de 4 à 5°C d’ici à la fin du siècle est considérée comme probable.
Ce réchauffement aura pour conséquences :
Une élévation du niveau de la mer avec érosion de nos côtes, l’élévation pourrait aller jusqu’ à 1 mètre à l’horizon 2100. Sachant que l’onde de marée remonte sur 150 km sur la Garonne, le risque inondation devient extrêmement préoccupant sur une partie importante de notre Métropole où , déjà, 23 000 personnes vivent en zone inondable .
Le rapport fait état aussi sur de vives inquiétudes sur la ressource en eau, notamment en raison de l’imperméabilisation des sols à laquelle nous nous sommes livrés.
Le rapport nous alerte sur le fait que des mesures sont à mettre en œuvre immédiatement.
Allons-nous décréter dès aujourd’hui, sans attendre 2050, la fin de l’imperméabilisation des sols ? Allons-nous décréter dès aujourd’hui, sans attendre 2050, la fin des îlots de chaleur urbains ?
Allons-nous repenser la hiérarchie des priorités d’investissement ?
Sommes-nous prêts à penser que la richesse d’un pays, d’une ville, ne repose plus sur l’édification d’une énième grande infrastructure bétonnée, ou bitumée, mais sur la diversité de ses paysages et de ses écosystèmes, sur son capital naturel ?
Engageons-nous résolument, sans attendre, pour des changements de comportements majeurs. L’économie circulaire, le zéro déchet, sont clairement des solutions proposées pour réduire notre empreinte carbone.
L’adoption d’une alimentation moins carnée, l’amélioration de la performance énergétique des logements, la réduction des besoins en mobilité sont aussi des voies dans lesquelles nous devons nous engager beaucoup plus énergiquement.
L’exercice prospectif pour 2050 pose des tas d’autres questions qu’il ne m’est pas possible d’évoquer pour ne pas être trop long.
Ce sera notre capacité à répondre à tous ces défis, et excusez-moi de n’avoir abordé ici que le défi climatique, mais c’est bien celui qu’on présente, y compris dans la présentation de cette délibération, comme le défi des défis dans les années qui viennent.
Je n’ai pas abordé notamment le défi démocratique à relever pour construire cet avenir, la façon dont nous saurons associer les habitants pour coproduire avec nous cet avenir désiré, un genre de cogestion entre élus et citoyens, et vous connaissez mon attachement à ce concept.
Car, j’ai la conviction que la ville de demain s’inventera dans la confrontation intelligente de toutes les parties prenantes.
Et la meilleure façon de prévoir le futur c’est encore de l’inventer.
Le mot de conclusion, je l’emprunte à Eléonore ROOSEVELT :
« Le futur appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves. »