Contribution à l’enquête publique sur la ZAC Bastide Niel
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Contribution du groupe des élu(e)s EELV de Bordeaux Métropole et de la Ville de Bordeaux

à l’enquête publique relative au Projet de réalisation de la ZAC Bastide Niel

Le projet d’aménagement de la ZAC Bastide Niel est un projet idéalement situé entre la Garonne et le tramway, sur une rive droite en plein dynamisme.
Néanmoins, comme nous l’avions exprimé en Conseil de Métropole le 23 mai 2014 à l’occasion de la délibération désignant l’aménageur de la ZAC en question, nous avons plusieurs réserves sur les orientations d’aménagement qui ont été définies, ces réserves étant confortées aujourd’hui par les différents documents mis à disposition dans le cadre de cette enquête publique.

1/ Sur la programmation et son impact en termes de déplacements

Le projet de la ZAC « Bastide Niel » prévoyait initialement l’émergence d’un nouveau quartier de près de 2 400 logements. Ce chiffre a ensuite été revu très nettement à la hausse et nous sommes passés des 2 400 logements initiaux à 3 400 logements, augmentation qui vient s’ajouter aux autres grands projets en cours sur la rive droite bordelaise (Brazza, ZAC Garonne-Eiffel).
Le dossier affiche des ambitions très élevées en termes de report modal au détriment de la voiture individuelle. Néanmoins, de même que l’avis de l’autorité environnementale le pointe dans son analyse, l’atteinte de ces objectifs nous semble insuffisamment motivée et précisée. Nous sommes notamment particulièrement inquiets au regard de l’insuffisante prise en compte des effets cumulés avec les autres grands projets urbains, sur une rive droite déjà fortement saturée en termes de déplacements (cf. chiffres de fréquentation de la ligne A du tramway et trafic véhicules sur les franchissements de la Garonne notamment). Il est à noter que le dossier ne prend par ailleurs pas en compte l’hypothèse, probable et souhaitable, d’une fermeture définitive du Pont de pierre à la circulation automobile. Par ailleurs, le projet d’un axe de transport structurant assurant la desserte de la plaine rive droite, s’il est bien prévu dans le cadre du Schéma directeur d’orientations et de déplacements métropolitains (SDODM), n’est à ce jour ni financé ni concret quant à son mode, son calendrier ou son tracé.
Cette inquiétude au regard d’une augmentation prévisible de la circulation automobile sur ce secteur va de pair avec notre préoccupation pour une meilleure qualité de l’air dans notre agglomération.
La programmation présentée suscite également notre perplexité en matière de mixité fonctionnelle. Nous le savons, c’est bien le volet commercial et économique qui est le plus complexe à mettre en œuvre et à réussir dans ce type de grands projets urbains. Les coûts d’accès du foncier commercial sont absolument déterminants si l’on veut réussir à commercialiser les pieds d’immeubles et attirer des commerces de proximité ou des créateurs d’entreprises. Là-dessus, nous ne sommes pas du tout rassurés, ni même renseignés sur les ambitions précises du projet. Or, la création d’emplois in situ est une condition sine qua non de réduction des flux automobiles dans ce secteur appelé à accueillir une population nouvelle.

2/ Sur le volet environnemental

L’approche énergétique est globalement bien traitée, le traitement bioclimatique des logements et des constructions et leur approvisionnement énergétique étant effectivement sérieusement étudiés.
Nous sommes en revanche plus sceptiques, voire interloqués par la vision de l’espace public qui nous est proposée dans ce projet.
Sous couvert de forger une identité à la ZAC, il est proposé rien de moins que de la bétonner d’un revêtement minéral appelé « la plaque », à l’exception de quelques poches de verdure. En ce qui concerne la végétation, le projet évoque des jardins de poche (les parcs 3D) et des percements réguliers, avec certes un grand nombre d’arbres nouveaux, mais ceci sur la base d’une vision de la nature totalement archaïque : une nature cadencée, très ordonnancée artificiellement autour d’un revêtement dont on nous dit qu’il sera essentiellement en béton.
Pourtant, au départ du projet, il y avait un parti pris délibéré pour que la rive droite soit le pendant vert au volet historique et patrimonial de la rive gauche. Nous considérons que ce parti pris a été, au fil de l’évolution du projet, relativement oublié. Si la réalisation du Parc aux Angéliques constitue un véritablement poumon vert sur la rive droite de Bordeaux, la ZAC demeurera un quartier essentiellement minéral, ce qui est particulièrement regrettable et constitue une vision dépassée de l’espace public à l’heure où l’on parle de réduire les îlots de chaleur en ville et de végétaliser la ville. La Commission Locale de l’Eau (CLE) Nappes Profondes de la Gironde, dans son avis, fait d’ailleurs état de sa surprise de ne pas voir évoquée dans le dossier de la ZAC la question de l’enjeu du « rafraichissement urbain » au regard de la future demande en eau que cela pourrait générer.
Cette minéralité omniprésente est également dommageable du fait de la forte prégnance du risque inondation et de la vulnérabilité de ce territoire aux écoulements des eaux pluviales. Ce dernier point est relevé à plusieurs reprises dans le dossier d’autorisation : la difficulté d’infiltration des eaux de pluie dans les sols est ainsi qualifiée de niveau de contrainte moyenne. La bonne gestion des eaux pluviales est ciblée comme un enjeu important, ce qui, couplé au risque inondation et à la pollution existante des sols, plaide en faveur d’un traitement exemplaire du ruissellement des eaux. A cet égard, l’ambition minimaliste en termes de végétalisation n’est pas de bon augure, alors que des solutions ambitieuses sur le plan quantitatif (sols perméables, couverture végétale) et qualitatif (phytoremédiation par exemple) auraient pu être proposées.
Sur le plan environnemental toujours, il est regrettable que la stratégie d’approvisionnement et de gestion des matériaux de construction ne soit pas plus détaillée et ne témoigne pas d’innovations majeures afin de réduire son impact environnemental.
Enfin, en matière de biodiversité, si l’aire concernée ne comporte pas de zone naturelle protégée, le dossier d’étude d’impact environnemental nous apprend que sur l’écosystème de la zone sont présentes :
1 espèce protégée d’amphibien
1 espèce de reptile : le Lézard des murailles
7 espèces protégées d’oiseaux
4 espèces protégées de chauve-souris
Le site se situe à proximité immédiate d’une ZNIEFF (moins de 2km) et de la zone Natura 2000 Garonne, dans un secteur très fortement soumis à la pression urbaine et humaine. Le dossier d’enquête publique présente un certain nombre de mesures afin de réduire l’impact, proposer de nouveaux habitats à ces espèces et mettre en place une procédure de suivi. Nous attirons votre attention sur la nécessité de requérir auprès de l’aménageur qu’il s’efforce d’associer les services compétents de la Métropole et de l’Etat tout au long de la phase travaux ainsi que dans la phase de suivi par la suite, notamment dans la perspective d’un suivi environnemental plus global en lien avec les autres projets d’aménagement sur le secteur rive droite. Nous rejoignons l’avis du Conseil National de la protection de la nature qui préconise de maintenir des réseaux de haies, fossés, arbres et landes relictuelles perpendiculaires au fleuve afin de constituer des corridors écologiques, ces derniers étant fortement malmenés par les différents projets d’aménagement sur les bords rive droite de la Garonne ainsi que sur les coteaux (cf. projet des Cascades de Garonne par exemple).

3/ Sur le maintien des liens avec l’histoire du site et le cadre urbain existant

La préservation de la mémoire du site constituait une des orientations avancées dans la définition initiale du projet.
Le dossier d’autorisation unique qualifie le projet de « quartier durable, ancré dans son environnement ».
Pourtant, si ce dernier évoque quelques bâtiments d’intérêt patrimonial, il ne fait aucunement référence à son articulation avec le quartier existant de la Bastide, pourtant dotée d’une identité forte. De même, le dossier ignore un lieu pourtant marqueur du dynamisme de ce secteur, à savoir l’écosystème Darwin. Nous considérons que l’histoire d’un site, c’est aussi son articulation avec le bâti existant environnant et les liens que tissent aujourd’hui des acteurs associatifs, économiques et culturels.

En conclusion, l’exemplarité de ce projet pourrait être nettement améliorée, particulièrement en matière de nature en ville et de co-construction avec les acteurs et habitants de ce quartier et des quartiers voisins.
Il nous semble par ailleurs que le volet déplacements / mobilités est à cette heure démesurément optimiste au regard des différents projets d’aménagement en cours.
Ce site de projet offrait de belles promesses et l’opportunité de constituer un véritable laboratoire urbain, en phase avec les impératifs d’un écoquartier et les enjeux urbanistiques du XXIème siècle. Certaines orientations laissent cependant penser que perdurent encore les vieux réflexes traditionnels d’aménagement urbain (minéralisation de l’espace public, gestion a minima du triptyque environnemental « Eviter, réduire, compenser », etc.).