Conseil du 26 janvier – Charte du bien construire à Bordeaux Métropole
Partager

Monsieur le Président,

Vous nous proposez aujourd’hui d’adopter une « Charte du Bien construire à Bordeaux Métropole ».

En 2010, les conseillers municipaux bordelais ont eu à se positionner sur l’adoption d’une charte de la construction durable au niveau de la ville de Bordeaux, qui ambitionnait de revoir à la hausse la qualité de la production d’ensemble et de poursuivre des objectifs ambitieux en matière de développement durable.

8 ans plus tard, dans le cadre d’un travail nous dit-on inspiré directement de celui de la ville Bordeaux, on nous propose désormais une charte du bien construire. Autrement dit, nous sommes passés de l’objectif d’une construction durable à celui d’une simple durabilité de la construction.

Il est vrai que plusieurs événements ont été de nature ces dernières années à nous inquiéter quant au respect d’une qualité constructive minimale, de la part de promoteurs pourtant signataires de la charte bordelaise de 2010 et donc engagés dans une démarche a priori plus ambitieuse d’éco-construction.

Sans opérer de comparaisons entre les 2 chartes puisqu’elles n’ont en effet pas tout à fait le même objet, nous souhaitons émettre quelques remarques sur ce qui nous est proposé aujourd’hui :

1/ Sur le processus d’élaboration de la charte tout d’abord

Puisqu’il est clairement mentionné que le groupe de travail s’est inspiré de la charte bordelaise, pourquoi aucune évaluation ne nous est apportée sur cette fameuse charte de 2010 qui semble-t-il n’a pas permis d’éviter un certain nombre d’écueils ces dernières années. D’ailleurs une évaluation annuelle de la charte bordelaise était prévue mais n’a jamais été communiquée au conseil municipal.

Concernant le groupe de travail en question, il n’aurait pas été inintéressant d’associer plus étroitement au fil de la démarche la commission urbanisme et les élus en charge de l’urbanisme dans les communes et donc aux prises directes avec ces problématiques.

2/ Sur le contenu de la Charte

Si la Charte reprend un certain nombre de points positifs afin de garantir des pratiques constructives plus vertueuses (objectif de missions complètes données aux architectes, limitation de la sous-traitance, évaluation citoyenne), nous sommes particulièrement sceptiques sur leur effectivité, et cela pour deux raisons principales :

  • Quid de la communication autour de la démarche d’évaluation ? La perte de la labellisation n’a de véritable portée que si elle est communiquée très largement.

 

  • Le manque de précisions dans les engagements des signataires. Par curiosité, nous sommes allés regarder ce qui se fait ailleurs. Nous avons par exemple lu avec attention la « charte Qualité des constructions neuves » de Nanterre, adoptée en avril 2016. Outre qu’elle poursuit des objectifs bien plus larges que les seules « qualité d’usage » et « prévention des malfaçons », elle fait état d’engagements de performance bien plus précis, détaillés en 2 niveaux d’objectifs, auxquels s’ajoutent des engagements de méthode. A titre d’exemple concernant la lutte contre les malfaçons : « organiser la première AG des copropriétaires avant la livraison », «  100% des réserves enregistrées et traitées dans un délai d’un mois maximum et 2 mois pour les sinistres et les commandes de matériel », etc. En effet plus les engagements sont clairs, précis et chiffrés, plus leur évaluation est réalisable. Et ce particulièrement dans un contexte où la simplification des normes de construction et d’urbanisme est envisagée.

Par ailleurs, concernant l’objectif de responsabilisation de l’ensemble des intervenants, il est regrettable que la démarche n’ait pas associé les principaux syndics. Certes, nous entendons bien que la charte concerne la phase constructive uniquement. Néanmoins 2 éléments auraient plaidé pour une association étroite de cet acteur incontournable :

  • comme énoncé dans la charte, « la qualité d’usage se perçoit dans la durée », or ce seront les syndics qui en premier lieu auront à gérer la gestion de la copropriété, la levée des réserves et la mise en œuvre des garanties constructives sur les parties communes pendant les premières années de vie du bâtiment

 

  • d’autre part l’objectif de meilleur accompagnement des usagers, notamment quant aux futures charges, repose principalement sur le travail de collaboration entre les promoteurs et les syndics désignés par ces mêmes promoteurs lors de la première vie du bâtiment.

La question de la gestion des copropriétés et du rôle des syndics et agences immobilières est majeure car elle contribue en grande partie à la dégradation précoce des bâtiments et à leur qualité d’usage (choix délibéré de grosses copropriétés, part des investisseurs dans les programmes, partage du gâteau entre les quelques Majors du monde des syndics, privatisation des espaces verts, etc.). Et nombre de ces choix sont décidés en amont de la construction par les promoteurs eux-mêmes.

Enfin, nous aimerions conclure cette intervention par l’évocation d’un acteur incontournable que notre établissement doit soutenir fortement : l’ADIL. Car puisque l’un des objectifs de tout cela est bien de prémunir nos concitoyens des malfaçons éventuelles, c’est aussi par un meilleur accès à leurs droits que nous y parviendrons.

Je vous remercie de votre attention.