Conseil du 25 septembre 2015 – Intervention de Sylvie Cassou-Schotte sur le bilan du Programme Local de l’Habitat 2007-2014
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Monsieur le Président, mes chers collègues,

Je me réjouis que ce débat soit rendu possible grâce au choix de le programmer en début de ce conseil tant il est crucial pour l’avenir de notre métropole et pour ses habitants qui aspirent à se loger dans des conditions dignes et satisfaisantes.

Je tiens en préalable à saluer l’excellent travail réalisé par les services et par l’agence d’urbanisme pour dresser ce panorama synthétique et très éclairant sur la réalité et les problématiques du logement et de l’habitat dans notre métropole. Il peut ainsi étayer notre réflexion et orienter nos choix politiques.

De fait, Ce bilan livre de nombreux constats qui appelleront plusieurs remarques de la part de notre groupe autour de 3 axes : 

–         Le parcours de mobilité résidentiel

–         l’insertion dans le logement

–         L’adaptation à l’évolution démographique et au  vieillissement

1/ Concernant le parcours de mobilité résidentiel , il faut reconnaître que Ce n’est plus un décalage qui existe entre les prix de l’immobilier et les ressources des ménages : c’est un gouffre !

51% des ménages ne peuvent pas accéder à un T3 en location dans le parc privé. 55% à 70% ne peuvent prétendre à l’accession de ce même T3 dans l’ancien. Quand au neuf, les prix commercialisés sont tels qu’un T3 est absolument inabordable pour 85% des ménages.

Avec un prix de vente moyen du neuf de 3748€/m² sur la métropole, il n’est donc guère étonnant que 68% des ventes en 2014 se soient tournées vers des investisseurs, et 48% vers des T1 ou des T2.

Or, toute la politique du logement repose sur deux facteurs déterminants : la mobilité résidentielle et la capacité financière des ménages ;  on constate que cette adéquation est grippée :

–         L’accession à la propriété reste un rêve inaccessible pour la plupart. L’acquisition d’un logement neuf n’est ainsi possible que pour les 20% des ménages les plus riches déjà résidents dans la métropole.

–         Concernant le parc social public, le bilan du PLH nous révèle, outre la persistance d’importants déséquilibres géographiques, une forte tension entre l’offre et la demande. Cette tension est plus importante encore pour les logements locatifs sociaux les plus modestes. Les PLAI sont ainsi inférieurs à la moyenne nationale (51% des LLS dans notre agglomération contre 56% en moyenne), alors même que c’est la réponse la plus adaptée aux ressources des ménages et que trop de personnes aux faibles revenus n’ont toujours pas accès au parc social.

–         Par voie de conséquence, une partie du parc privé joue de fait un rôle de soupape sociale.

Tout ceci concourt à :

–         Des situations de mal logement qui se multiplient

–         une incapacité à se loger qui contraint les ménages à quitter l’agglomération quitte à s’appauvrir

–         Une agglomération qui se compose de 47% de personnes seules à défaut de pouvoir accueillir ces familles .

Le Bureau de Bordeaux Métropole examinait hier un rapport sur les perspectives de production de logements dans lequel est affichée incontestablement une ambition quantitative forte.

Cependant, Envisager la politique du logement et la fluidité du marché immobilier à travers le seul prisme de cet objectif quantitatif constitue une vision trop restrictive… et peut s’avérer  un leurre : on ne résoudra pas la crise du logement par le simple fait de produire plus de logements. A cet égard, les conclusions du PLH s’avèrent particulièrement sévères, je cite page 91 : « L’offre de logement se caractérise par des prix encore élevés qui ne s’adaptent pas à ces besoins locaux mais qui semblent plus répondre à une demande hypothétique de ménages hors du territoire. ».

Aujourd’hui la question qui s’impose à nous n’est pas seulement de savoir combien de logements nous produisons, mais bien pour qui nous produisons. En cela la démarche 50 000 logements et son volet accession abordable est éminemment intéressante. Cependant , il y a encore des efforts à fournir concernant la production de PLAI.

2/ A l’autre bout de la chaîne, l’insertion par le logement se trouve elle aussi grippée. Notre agglomération pâtit d’un retard important en matière de logement d’urgence. L’offre existante, tant en termes d’hébergement d’urgence que de logement temporaire ou d’insertion, est complètement saturée : 59% de réponses négatives pour l’hébergement d’urgence, 76% pour le logement d’insertion.

Les choses ont commencé un peu à bouger :  Bordeaux métropole s’est résolument engagée sur ce dossier notamment à travers le volontarisme du vice-président Jean Touzeau que je salue ici.

Il est toutefois nécessaire de redoubler d’efforts sur cette question. Et ce d’autant plus que les besoins ne vont pas aller en s’amenuisant. Si l’actualité met en avant la situation  les réfugiés des sahrouis  et des réfugiés syriens  aujourd’hui et demain ce seront d’autres migrants économiques, environnementaux ou fuyant les conflits. La question de l’accueil des migrants, quels qu’ils soient (Sahraouis, Syriens, Afghans, Érythréens, Arméniens, Roms bulgares, …et bien d’autres encore) n’est pas un sujet ponctuel, c’est un sujet permanent, et un devoir de l’accueillir, qui s’inscrit dans la durée. Notre groupe insiste sur la nécessité de ne pas mener de manière parallèle les réflexions sur le logement d’urgence d’un côté et le logement classique de l’autre, de même que nous serons particulièrement vigilants sur le fait que les réponses apportées par les uns et les autres (etat, collectivités ..) n’engendrent pas un traitement à deux vitesses, par définition discriminatoire et discriminante entre les plus fragiles et vulnérables.

3/enfin,  je souhaiterais dire quelques mots sur le vieillissement. C’est une question  qui se posera avec acuité demain, mais qui se pose déjà aujourd’hui notamment dans les secteurs pavillonnaires. 2/3 des seniors vivent en maison individuelle et pour un certain nombre, la difficulté de maintenir en état leur bien ou de faire face aux charges est de plus en plus réelle.

Là encore, des solutions sont à inventer pour le devenir de ces secteurs résidentiels et là encore, cette évolution démographique exige un anticipation dans  la qualité de logements  adaptés , modulables à construire

4/ Pour conclure, tous ces constats interrogent notre capacité à user de tous les leviers pour infléchir cette tendance à l’exclusion d’une bonne partie de notre population dans l’accès au logement.

Pour donner envie et rendre possible le fait de se loger dans l’agglomération, nous devrons ainsi nous appuyer sur l’ensemble des leviers possibles :

–         mener une politique foncière ambitieuse

–         être vigilant concernant la programmation des sites de projet, grands producteurs de logements

–         tendre vers une politique de peuplement raisonnée et équitable. Aujourd’hui encore, tout le monde ne prend pas toute sa part à l’effort collectif.

–         être ambitieux et exigeant sur les programmes immobiliers dans nos communes (en terme de densité, surtout à proximité des axes de TC, de qualité des logements, ou concernant la règle des 3 tiers)

–         Travailler sur la vacance du parc privé (8,7% du parc),  particulièrement la vacance de moyenne ou longue durée. Ce travail est d’autant plus stratégique que la vacance reste très concentrée géographiquement.

–         Travailler sur l’anticipation des charges de copropriété (pour éviter autant que ce faire les difficultés à venir des propriétaires modestes qui ne peuvent plus faire face aux charges qui explosent et éviter une dégradation des copropriétés)

–         Etre innovant dans l’évolution et les formes d’habitat (cohabitation des seniors, logements évolutifs, expérimentations de type BIMBY).

De notre réflexion , nous reconnaissons que nous sommes dans un processus d’amélioration du parc de l’habitat et du logement sur la métropole mais alertons sur une question cruciale et fondamentale pour une parfaite cohésion sociale :

Oui pour produire plus de logements ….mais pour qui ?