Conseil du 23 septembre 2016 – Intervention de Pierre Hurmic – Projet urbain de la Jallère
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Monsieur le Président, Mes Chers Collègues,

Ce dossier nous tient particulièrement à cœur. Le 30 octobre 2015, réunis en cette même assemblée, notre groupe s’opposait à l’instauration d’un périmètre de prise en considération sur le secteur de la Jallère.

Sans m’étendre sur les motifs de notre opposition à l’urbanisation de ce secteur d’une superficie estimée à 95 ha, je rappellerai toutefois :

– qu’il s’agit d’un périmètre stratégique en matière de risque inondation, dans ce secteur du lac qui était autrefois un immense marais.

– que le projet urbain que vous nous proposez détruira 9.1 hectares de zones humides, dont 5.3 ha sur l’ilôt actuellement occupé par Groupama/Gan, ilôt qui est, de plus, cartographié en zones d’aléas fort donc globalement inconstructible dans le cadre de la révision du plan de prévention des risques d’inondations.

Je sais aussi que M. Michelin a l’intention de contourner l’interdiction de construire sur ce site par la construction sur pilotis par exemple. Mais ce seront bien des routes qui relieront les logements… Donc il y aura perturbation du site quelque soit le type d’habitat.

Beaucoup de métropoles ont axé leur politique sur la reconquête des espaces naturels en zone urbaine. Ici nous avons la chance d’avoir 40 hectares de zones naturelles qui appartiennent à la métropole. Nous, nous cédons ça à l’immobilier privé. On est totalement à contre courant à ce que font d ‘autres métropoles.

Lors de cette même séance du 30 octobre 2015, Monsieur Duchène quant à lui nous assurait à l’époque qu’ »il nous reste maintenant le temps du débat, le temps de la confrontation d’idées et le temps de la co-construction. » et qu’il ne fallait pas « prendre ce projet-là comme un projet complètement bouclé et ficelé. C’est un projet qui démarre, c’est un projet que nous allons co-construire ensemble. »

Permettez-moi d’en douter fortement à la lecture de ce qui nous est proposé dans cette délibération. Il est ainsi précisé que l’AMO aura notamment pour mission de mettre en œuvre la stratégie urbaine issue de la philosophie de projet de la Jallère telle que définie dans l’étude urbaine réalisée en 2015. Aussi, le fait que ce soit le groupement même qui a réalisé le plan guide pour le secteur, groupement sous la houlette de Nicolas Michelin, qui se retrouve lauréat de ce marché d’AMO témoigne bien du fait qu’indéniablement la philosophie du projet est déjà ficelée.

La lecture de ce rapport témoigne également d’une précipitation dans ce dossier, le prestataire pour les études environnementales est déjà retenu, alors que l’on nous promettait il y a encore quelques mois que rien ne pressait, qu’un groupe de travail allait être mis en place… mais une valorisation rapide du foncier de ce secteur est certainement attendue par certains…

Alors, après la ville intime à Bastide Niel, l’urbanisme négocié aux Bassins à Flots, l’écoquartier à la sauce Bouygues Immobilier à Ginko, l’urbanisme en liberté à Brazza, on nous propose maintenant un nouveau concept : l’urbanisme de clairière, dont on nous promet « une dimension expérimentale incontestable en matière d’aménagement urbain ». Pour sûr, construire en zone rouge du PPRI et sur une zone humide cela relève de l’expérimentation, voire de l’inconscience écologique !

Pour conclure, j’ai lu avec curiosité le compte-rendu des premières rencontres de Bordeaux Nord dans lequel est inclue une courte interview de Nicolas Michelin. Il y évoque la Jallère comme « un quartier à l’américaine demain ». Permettez-moi de ne pas être très rassuré par ce concept pour aménager notre zone humide de la Jallère.

J’ai lu avec plaisir dernièrement, Monsieur Hubert Védrine qui dit la chose suivante : « un jour, on fera une hiérarchie de la compétitivité écologique des territoires ». Cela veut dire que les territoires qui auront su le mieux garder leurs richesses, leurs zones humides, leur potentiel écologique… affronteront cette concurrence écologique avec un patrimoine plus intéressant que ceux qui l’auront dilapidé.

J’espère qu’un jour nous saurons protéger notre patrimoine naturel comme nous protégeons notre patrimoine architectural que nous ont légué nos ancêtres.